Ils sont près de 15 millions en France, une honnête moyenne dans l’Union Européenne qui en compte 18 % parmi sa population totale. Ils et elles, ce sont les célibataires. Encore faut-il s’interroger comme le fait l’historien et philologue de formation, Jean Claude Bologne, sur qui doit et peut intégrer cette catégorie. « Le célibat est comme la virginité, écrit-il, un jour de mariage suffit à effacer une vie de célibataire ». Tâche délicate donc. L’auteur s’en sort plutôt bien. Ce n’est pas un novice en la matière. Après son « histoire de la pudeur » parue en 1997, il peut s’enorgueillir de publier presque simultanément son « histoire du mariage » et celle du « célibat ». Démarche logique puisque la seconde notion, absente des grands textes fondateurs, se définit en « creux » de la première. Dans l’antiquité, le célibat est au mieux déconseillé, au pire puni. Les religions anciennes, du mazdéisme perse au judaïsme primitif, condamnent l’homme sans mariage et donc sans la descendance nécessaire à l’accomplissement des rites funéraires destinés aux anciens. Religion, mariage et procréation demeurent fondamentalement liés. « Béni de ses parents, béni de Dieu » dit encore de nos jours un proverbe saoudien. S’inspirant de Socrate, nourrie du terreau favorable de la mythologie grecque où la deuxième génération des Dieux de l’Olympe transgresse l’unité familiale, la doctrine platonicienne introduit une idée essentielle qui prépare l’avènement du christianisme: la séparation de l’âme et du corps autorise une différence de considération entre la fécondation corporelle et celle de l’esprit. Dans la pensée du philosophe, la seconde revêt pour l’accès à l’immortalité une dimension de « noblesse » bien supérieure à la première. Platon entrouvre une lucarne, St Paul la transforme en porte monumentale. Pas opposé au mariage ici-bas, le Christ, explique l’apôtre de Tarse, préfère de loin l’union avec un « royaume qui n’est pas de ce monde ». Sa première Epître aux Corinthiens est explicite: « Celui qui épouse sa fiancée fait bien mais celui qui ne l’épouse pas fera encore mieux ». D’ailleurs, « célibat » et « ciel » n’ont-il pas la même racine, s’interrogera plus tard Saint Augustin ? La messe est dite. Et avec elle, la consommation de la rupture avec les traditions anciennes.
Le monde ecclésiastique, auquel l’auteur consacre de longs développements fort utiles en ces temps d’exhortation apostolique au célibat des prêtres par Benoît XVI, va mettre du temps à imposer la continence sexuelle à ses serviteurs. Si les Communautés monacales observent d’elles-mêmes cette restriction, il faudra attendre, selon Jean Claude Bologne, le second concile de Latran en 1139 pour voir cette prescription étendue à l’ensemble du clergé. Mais, révolution française et instauration du mariage civil aidant, la route du célibat, bordée d’anecdotes plaisantes par l’auteur, peut continuer pour les artistes qui souhaitent consacrer leur vie à la réalisation d’une œuvre. Ils suivent en cela le principe énoncé par Nietzsche mais emprunté à Socrate: « aut liberi, aut libri » (ou des enfants, ou des livres..). Inspirés par certains de leurs ancêtres comme Voltaire, des grands écrivains du XIXème ou du XXème siècle entendent soutenir la formule du célibat au nom d’une liberté de création artistique, notamment littéraire: Balzac « marié in extremis », Apollinaire marié quelques mois avant sa mort, Tchaïkovski que « quelques jours de mariage supplémentaire auraient rendu fou ». Le nouveau millénaire, que Jean Claude Bologne aborde dans sa conclusion, conforte le célibat qui devient une « céliberté », peut-être plus illusoire qu’il n’y paraît si l’on veut bien reconnaître sa signification purement économique. Les célibataires sont devenus un segment porteur d’un marché toujours avide de nouveaux consommateurs. Solitaire aussi illustre que malheureux, Gustave Flaubert n’écrivait-il pas à la rubrique « célibataire » de son « Dictionnaire des idées reçues »: « Tous égoïstes et débauchés – On devrait les imposer – Se préparent une triste vieillesse » !
Jean Claude Bologne, Histoire du célibat et des célibataires, Coll. « Pluriel », Editions Hachette Littératures, 2007, 500 p., 10,80 Euros.
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