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19 avril 2024

Polygone Riviera, symbole d’une urbanisation commerciale en dépit du bon sens ?

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Il aura fallu 20 morts durant les terribles inondations de la nuit du 3 au 4 octobre pour que la question de l’urbanisation et l’imperméabilisation des sols soit enfin posée dans le débat azuréen.


L’inauguration en grande pompe d’un nouveau centre commercial proche d’un cours d’eau classé « zone rouge », trois semaines à peine après le drame, résonne comme une insulte aux victimes, à leurs proches et à tous les sinistrés.

En effet, le Polygone Riviera de Cagnes est situé dans une zone historiquement marécageuse, à côté du Malvan, un cours d’eau classé « à risques » et par endroit « zone rouge ». On annonce pourtant fièrement l’ouverture du premier centre commercial de France à ciel ouvert, avec 70 000 m2 de surface commerciales, 150 boutiques, 24 restaurants, 1 casino, 1 cinéma et 3 000 places de parking en sous-sol, vous savez, ce sous-sol déjà inondé par les intempéries il y a trois semaines à peine…

Outre la polémique consistant à déterminer si oui ou non le Polygone est construit en zone inondable, cette inauguration pose de nombreuses questions.

Tout d’abord sur la sécurité : zone inondable, cours d’eau à risques, comment là où il était jadis interdit car impensable de construire, peut-on autoriser aujourd’hui des centres commerciaux attirant plusieurs dizaines de milliers de visiteurs par jour et la construction de logements ? Si des élus sont sensibles aux pressions de l’immobilier et à la promesse de créations d’emplois en nombre, n’y a-t-il pas un contrôle de l’État, vous savez, ces services faits de fonctionnaires que l’on veut supprimer à longueur d’année et que l’on s’empresse de remercier au lendemain des intempéries ?

Ensuite sur l’aménagement du territoire : on construit des zones commerciales sans transport propre ni plan de désengorgement routier. La logique voudrait, devant les embouteillages chroniques sur la Côte d’Azur et les alertes pollutions à répétition, que l’on n’autorise pas de tels projets sans prise en compte de l’affluence qu’ils génèrent dans un schéma départemental des transports cohérent. La question a visiblement été jugée subsidiaire et il ne s’agit après tout que de santé publique et de prévention des pathologies liées aux pollutions atmosphériques. Après tout, on construit bien dans des zones agricoles tout en proclamant haut et fort que l’on veut du bio en circuit court pour nos cantines scolaires…

Sur la surenchère commerciale : on construit en dépit du bon sens et en dépit des zones de chalandises réelles, c’est-à-dire en fonction de la clientèle susceptible de venir acheter tel type de produits à tel endroit. On sort de terre le Polygone à Cagnes sur mer, on attend Ikéa dans la plaine du Var et le centre commercial Nice One derrière l’Allianz Riviera, on double la surface commerciale de Cap 3000, on créé une surface commerciale à la gare SNCF de Nice reliant les rails à l’avenue Jean Médecin, on prévoit une zone commerciale à Nice entre la bibliothèque Raoul Mille et la gare des Chemins de fer de Provence…

Dans le même temps, on sait, à Nice toujours, que le centre commercial TNL n’est pas rentable si Carrefour s’en va et on murmure que le centre commercial Nice Etoile recherche de nouvelles enseignes de renom pour ne pas sombrer. Dans le même temps, le commerce de proximité se meurt dans les centre-ville du littoral et aucune garantie n’est donnée sur le type d’emplois créés dans les nouveaux centres commerciaux. Dans le même temps on sait que lorsqu’un foyer aura dépensé quelques centaines d’euros à Nice One ou au Polygone, il ne les dépensera pas dans les petits commerces près de chez lui.

Enfin, sur notre mode de consommation : hormis quelques nouveautés (Ikéa, le Printemps, Primark…), nous devrions avoir droit à la démultiplication des mêmes enseignes, proposant les mêmes produits. Qui veut un 8ème Eram ou pourquoi pas un 14ème Célio dans les Alpes-Maritimes ? Quid du commerce de proximité ? Des produits locaux ? De l’artisanat ? A-t-on envisagé un quota de commerces culturels par zone commerciale, afin de proposer livres, musique et produits artistiques dans des zones d’affluences ? A-t-on seulement porté une réflexion sur le type de produits à proposer, le mode de consommation, et, au final, le type de société que nous voulons ?

Simple citoyens, consommateurs, praticiens ou experts, nous devons nous poser ces questions. Nous devons également les poser à ceux qui ne se les posent pas et qui pourtant décident. Nous devons les poser à ceux qui ne se les posent qu’au lendemain de drames, de catastrophes naturelles ou de crises économiques… avant qu’il ne soit trop tard.

David Nakache

Auteur/autrice

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