
La vie peut être faite de rencontres intéressantes. J’en ai fait l’expérience en allant à la Maison du Combattant et des Associations Patriotiques. Partie pour obtenir des renseignements, j’ai rencontré un senior. Et pour ceux qui sont fâchés avec les leçons d’histoire façon école, c’est le meilleur remède. Une heure passée dans ce lieu, et l’on se sent transporté dans le passé comme si l’on y était.
A première vue, cet homme aspire à la tranquillité. Et pourtant, il en a connu des vertes et des pas mûres. Avec ses 80 printemps, Henri Beraud, colonel aujourd’hui honoraire, a vécu beaucoup de guerres. La Deuxième Guerre Mondiale, deux séjours en Indochine (1948-1950 et 1954-1956), la guerre d’Algérie. C’est dire s’il en a des souvenirs…de guerre !
Déjà au lycée, il distribuait des tracts clandestins en faveur de la résistance. Véritable patriote, il s’engage dans l’armée le 6 juin 1944. Le jour même, cette jeune recrue part dans le Jura. Sa motivation est simple : « Je me suis engagé pour libérer mon pays car je l’aime ». Les épreuves ne font alors que commencer. Le premier tir. Premier pas, toujours difficile. « La difficulté apparaît surtout avant de tirer. Car on y pense. C’est un peu comme un acteur. Il a le trac avant de jouer. Une fois devant la scène, il est emporté par l’élan, et il joue son rôle ».
Ayant survécu à la seconde guerre mondiale, « la plus terrible sur le plan du combat », explique-t-il, Henri Beraud decide de continuer dans ce métier. L’occasion de repartir en conflit ne se fera pas attendre : il s’envole vers l’Indochine en 1948. Guerre pénible par rapport au climat, selon lui. Et là, l’émotion se ressent dans ses yeux. Il sera le témoin direct d’une scène d’horreur. En plein marché, une explosion ! Des civils sont blessés, d’autres tués. Il est sur place. Un individu avait lancé une grenade dans la foule. Son premier réflexe : observer, chercher le responsable pour le poursuivre. Mais impossible de le trouver. Les secours viennent. Des corps sont allongés sur le sol. Une autre zone, une autre grenade. Cette fois, sur des enfants. C’était à l’occasion d’une course de pirogues. « Les parents avaient emmené leurs petits voir le spectacle. J’étais sur le pont, au-dessus d’eux. Le coupable devait se trouver à quelques mètres de moi. Mais il y avait trop de monde. Je n’ai pas vu qui c’était ».
A force de voir des monstruosités, le colonel avoue, avec désolation, s’y être accoutumé à l’époque. La guerre d’Algérie n’arrangera en rien cet état d’esprit. Il assistera, impuissant, à un autre attentat. « Malheureusement, on finit par s’habituer à la mort. Pour un soldat, il est important d’adopter une certaine philosophie. Pendant un combat, on est dans un état second ».

Homme avant d’être soldat, il confie toutefois avoir souvent eu des angoisses. « Ce qui disent n’avoir jamais eu peur mentent. L’après-coup est le plus insupportable psychologiquement. On se remémore ce qui s’est passé. C’est affreux. Il faut savoir qu’aucun soldat ne souhaite la guerre. C’est la pire chose qui existe en ce monde ».

