« La zone de minuit » : immersion dans les abysses avec Ugo Schiavi

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Ugo Schiavi nous entraîne dans les profondeurs marines avec La zone de minuit. Entre sons abyssaux, créatures translucides et lumière bioluminescente, l’artiste compose une installation immersive. Une plongée sensorielle dans un monde méconnu et menacé.

C’est dans la Grande Halle des anciens abattoirs de Nice, au cœur du 109, que l’artiste Ugo Schiavi déploie La zone de minuit, une installation sensorielle aussi mystérieuse que fascinante. Pensée comme un voyage dans les profondeurs marines, cette œuvre fait partie intégrante de la Biennale des Arts et de l’Océan, La mer autour de nous, organisée en écho à la 3ᵉ Conférence des Nations Unies sur l’Océan (UNOC 2025) que la Ville de Nice accueille cette année.

Dès les premiers pas, le visiteur est happé dans l’obscurité. Le sol, recouvert de sable et de gravier, crisse sous les pas, évoquant le fond de l’océan. Le noir est total, mais habité : des sons graves et aigus jaillissent de toute part, enveloppant le corps et l’esprit. Ces sons ont été conçus en collaboration avec un bioacousticien spécialisé dans les paysages sonores des abysses, mêlant vibrations numériques et sonorités organiques. L’effet est immédiat : on plonge dans un monde inconnu, loin sous la surface, à plusieurs milliers de mètres de profondeur.

Un ballet de créatures hybrides

Dans cette obscurité règne un bestiaire étrange, à la fois réel et fantastique. Des sculptures translucides, suspendues dans l’espace, apparaissent lentement. Elles semblent flotter, évoluer en silence, dans une chorégraphie de lumières et de projections sur tulles, comme des fragments d’un écosystème mutant. Ces formes, inspirées de créatures abyssales, ont été conçues en verre soufflé, un travail de précision réalisé à Marseille au CIRVA (Centre international de recherche sur le verre et les arts plastiques), à partir de maquettes imprimées en 3D, retravaillées à la main, puis transformées en moules pour le soufflage.

Leur structure laisse apparaître un réseau complexe de câbles et de matières récupérées, mêlant organique et technologique. Ces “mutants semblent être les enfants d’un monde où la nature aurait dû se réinventer pour survivre à la sur-présence humaine » dit Ugo Schiavi. La lumière qu’elles émettent, évoquant la bioluminescence propre aux espèces des grands fonds, est la seule source de clarté dans cette nuit artificielle.

Une œuvre totale

Ugo Schiavi ne conçoit pas cette exposition comme un simple accrochage : « Le lieu est une œuvre en soi », affirme-t-il. Chaque élément, du sol aux sculptures, du son à la lumière, participe à cette création immersive. L’expérience devient physique, presque méditative : à mesure que les yeux s’habituent à l’obscurité, le visiteur distingue peu à peu ce qui l’entoure. C’est une traversée plus qu’une visite, un passage vers un monde parallèle, entre mythologie et spéculation écologique.

Les abysses, ultime territoire vierge, fascinent autant qu’ils inquiètent. Et c’est précisément ce paradoxe que Schiavi met en lumière : « alors que l’humanité connaît mieux la Lune que les fonds marins, ces derniers sont déjà menacés par l’activité humaine. »

Un artiste à la croisée des mondes

Né en 1987 à Paris, Ugo Schiavi vit et travaille à Marseille. Diplômé de la Villa Arson en 2011, lauréat du prix Bernar Venet, il développe depuis une œuvre centrée sur l’hybridation entre technologie, histoire et fiction. Ses projets l’ont mené de la Biennale de Lyon au Noor Riyadh Festival, de la Bienalsur à Manifesta 15 à Barcelone. En 2024, il a également été choisi pour créer la sculpture Euphoria dans le cadre des Jeux Olympiques de Paris.

Avec La zone de minuit, il propose une installation saisissante, à la fois poétique et politique. Un monde lent, silencieux, profond, où se mêlent le mystère des origines et l’ombre de la catastrophe à venir.

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