Mais Force ouvrière ne l’entend pas de la même oreille. Le syndicat refuse de se joindre à la grande manifestation unitaire du 17 juin. Jean-Jacques Mai, secrétaire général de l’union départementale FO 06, reconnaît « un problème d’ampleur, qui concerne les salaires, les retraites et le temps de travail. » Lorsqu’on lui parle de lier les différents mouvements, il n’y voit « aucune possibilité : le mouvement en cours dans l’Education nationale vont prendre fin dès le début des épreuves du bac, le 15 juin. Dans les entreprises, le seul moyen d’empêcher le passage à 41 annuités de cotisation pour obtenir une retraite complète est une grève générale interprofessionnelle. La CFDT et la CGT sont contre. » Il craint que les revendications, défendues pendant des mois, ne soient jamais accordées. « Les textes sont débattus en ce moment-même à l’Assemblée nationale. Ils devraient être votés cet été. »
Toujours des idées, mais moins d’idéaux
Pour les syndicats, mai 68 fait aujourd’hui définitivement partie du passé. Cela sans nier l’apport des luttes passées. Les mouvements de grève de 1968 et des années 70 ont permis de grandes avancées sociales : les 40 heures de travail hebdomadaires – soit deux jours chômés dans la semaine – datent de cette époque, entre autres. « Des acquis qu’il faut défendre aujourd’hui », selon Jean-Jacques Mai. Pour Didier Turrini, c’est dans les ambitions des manifestants que l’on trouve les principales différences avec mai 68. « Aujourd’hui, nous avons beaucoup moins de perspectives d’avenir : nos rêves ont été largement piétinés, dit-il. Nous travaillons maintenant avec notre réalité : la précarité, les conditions de travail des intérimaires ou des sous-traitants, par exemple. »
Bruno Della Sudda, candidat NICEA (gauche alternative) aux dernières élections municipales, les aspirations de la société restent les mêmes, en 1968 ou aujourd’hui. « Le contexte n’est pas le même, rappelle-t-il. En 1968, la situation économique était bonne, on ignorait le chômage de masse. La précarité concernait moins de Français. Dans les deux cas, il y a une remise en cause de l’ordre établi : en 1968 ou en 2008, on aspire à une société plus juste, plus égalitaire et plus solidaire. »