JO d’hiver 2030 : la future patinoire de Nice au cœur d’un débat budgétaire et politique

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Une patinoire olympique et paralympique.
Illustration DR.

Alors que Nice accueillera plusieurs épreuves des Jeux olympiques d’hiver 2030, dont le patinage et la cérémonie de clôture, le coût du futur site glace suscite de vives critiques. Entre arbitrages politiques, inquiétudes financières et avancée des chantiers, le projet niçois divise élus et observateurs.

À cinq ans des Jeux olympiques d’hiver « Alpes françaises 2030 », la tension monte autour du volet niçois du dossier. La ville doit accueillir les épreuves de patinage artistique, de short track, ainsi que la cérémonie de clôture. Mais la construction d’une nouvelle patinoire estimée à 138 millions d’euros et l’aménagement de deux patinoires temporaires dans l’enceinte de l’Allianz Riviera, pour un coût de 80 millions, font débat jusque dans les rangs de l’Assemblée nationale.

Lundi 3 novembre, lors de l’examen des crédits du budget Sport, Jeunesse et Vie associative, le député Frédéric Maillot (Gauche démocrate et républicaine) a interpellé la ministre des Sports, Marina Ferrari. Selon lui, « c’est une folie budgétaire, c’est un caprice de riche que l’on ne peut pas se permettre. » Le rapporteur du budget des Sports estime que ce choix résulte « d’un arbitrage politique plutôt que d’une réflexion financière. »

Une contestation politique et locale

L’élu de La Réunion s’appuie sur plusieurs arguments. Il rappelle que « la patinoire de Pralognan-la-Vanoise (celle des Jeux de 1992) est toujours en fonction » et qu’« il existe une patinoire olympique à Marseille. » Il questionne donc la pertinence d’un nouvel équipement à Nice.

Le coût global inquiète : la nouvelle patinoire serait le seul équipement entièrement construit pour les Jeux d’hiver 2030, les autres infrastructures existantes devant être réutilisées. Mais à Nice, les critiques dépassent le cadre parlementaire.

Juliette Chesnel-Leroux, conseillère municipale d’opposition (EELV) et candidate aux municipales de 2026, dénonce une décision déconnectée des réalités locales. « Les impôts ont augmenté à Nice. On ne va pas demander aux Niçois de payer, pour 15 jours d’événements, un nouvel équipement », estime-t-elle. Elle plaide pour l’utilisation de la patinoire de Marseille et pour un investissement plus durable. « À Nice, faisons ce qu’il faut pour que les Niçois fassent du sport, et pas juste devant leur télé pour les Jeux olympiques. »

Cette position rejoint partiellement les observations de plusieurs rapports administratifs. Un document des inspections générales des finances et de l’éducation, du sport et de la jeunesse, remis en mars 2025, propose cinq scénarios alternatifs. Le plus économique, dit « plan E », prévoit l’aménagement d’une seule patinoire à l’Allianz Riviera et la délocalisation du patinage artistique et du short track à la LDLC Arena de Décines-Charpieu, dans le Rhône. Ce scénario permettrait d’économiser plus de 180 millions d’euros.

Une défense ministérielle appuyée

Face à ces critiques, la ministre des Sports Marina Ferrari a défendu la cohérence du choix niçois. Selon elle, la construction de la patinoire s’inscrit dans une logique de proximité et de rationalisation. « Le choix de Nice est pertinent », a-t-elle déclaré, soulignant la compacité du dispositif olympique dans la plaine du Var, entre la nouvelle patinoire, le village des athlètes et l’Allianz Riviera.

La ministre évoque aussi un héritage local : « il y a une tradition des sports de glace à Nice », a-t-elle rappelé, citant l’exemple des Aigles de Nice, évoluant en Ligue Magnus depuis de nombreuses années et dont la patinoire doit être améliorer. Elle insiste enfin sur le respect de la « maquette budgétaire » et des engagements pris en matière de sobriété.

Le débat s’inscrit dans un contexte plus large. Le budget global des Jeux, adopté le 20 octobre, s’élève à 2,1 milliards d’euros. Près de 75 % proviendront de recettes privées, selon le Comité d’organisation. Mais l’instabilité politique a retardé le vote de la loi spécifique encadrant l’organisation des Jeux et la validation de certains financements.

Malgré les incertitudes, la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo) poursuit les procédures. L’organisme a achevé la première phase de sélection des groupements d’entreprises pour la construction de la patinoire. Les lauréats définitifs doivent être désignés à l’été 2026. Les travaux débuteraient fin 2027 pour une livraison prévue à la fin de l’été 2029.

Dans la plaine du Var, d’autres projets avancent. Le futur village olympique, prévu sur un terrain de deux hectares à proximité du stade, doit accueillir environ 1 500 athlètes et accompagnants. Trois groupements ont été retenus pour la deuxième phase de consultation : Icade Promotion, Linkcity Sud-Est avec Bouygues Immobilier, et Sogeprom associé à Demathieu Bard Immobilier.

L’ensemble, d’une superficie de 25 000 m², comprendra logements, commerces et services. En phase post-olympique, il deviendra un nouveau quartier résidentiel avec 30 % de logements sociaux, 20 % en bail réel solidaire et une résidence étudiante. La livraison est également prévue pour l’été 2029.

Damien Robert, directeur général exécutif de Solideo Alpes 2030, précise que « les propositions en termes d’aménagement, d’architecture, d’usages futurs et d’héritage durable pour le territoire seront au cœur des ateliers à venir. »

Une équation encore incertaine

Derrière la querelle politique, une question persiste : comment concilier ambition olympique et maîtrise des dépenses publiques ? Pour Frédéric Maillot, « l’impératif de bonne gestion des deniers publics ne doit pas être à géométrie variable et ne doit pas s’effacer devant des considérations politiques. »

Son amendement demandant un rapport sur le coût de la patinoire et des aménagements à l’Allianz Riviera a été adopté en commission. Il reste à savoir s’il sera voté en séance publique le 16 novembre.

À ce stade, la ligne du gouvernement demeure inchangée : Nice reste le pôle glace des Jeux d’hiver 2030. La ministre défend un projet « cohérent », concentré et inscrit dans une logique de réemploi des sites. Mais les critiques, relayées par les élus d’opposition et certains experts, laissent planer une incertitude sur l’ampleur des investissements à venir. Dans la métropole niçoise, le débat n’est pas clos. Entre promesse de rayonnement international et crainte d’un héritage coûteux, la préparation des Jeux « Alpes françaises 2030 » entre dans une phase décisive.