La chambre régionale des comptes pointe une gestion déficiente du Grand Prix de France de Formule 1 au Castellet. L’événement, porté par Christian Estrosi, a laissé derrière lui un déficit de plus de 28 millions d’euros. Une dette de 12 millions reste à rembourser, divisant les collectivités locales.
Le Grand Prix de France de Formule 1, organisé au Castellet entre 2018 et 2022, n’a pas seulement tiré sa révérence en sortant du calendrier international. Il a aussi plongé ses organisateurs dans une tourmente financière et judiciaire. Le Groupement d’intérêt public (GIP) qui portait l’événement a été dissous en mars 2024. La chambre régionale des comptes PACA dans un rapport provisoire consulté par Le Monde, met en lumière une série de dysfonctionnements.
Selon le quotidien, le document, daté du 3 décembre 2024, évoque un « modèle économique non soutenable », des « défaillances de gouvernance » et des « irrégularités » dans la passation des marchés publics. Le GIP avait été monté à l’initiative de Christian Estrosi, alors président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Cette structure réunissait une dizaine de collectivités du sud-est. Ensemble, elles finançaient l’organisation de la course sur le circuit Paul-Ricard, dans le Var.
Mais le bilan est lourd : 28,1 millions d’euros de pertes cumulées sur quatre éditions, pour un chiffre d’affaires total de 137 millions. Le GIP a fini en liquidation judiciaire, laissant derrière lui une dette encore non soldée de 12 millions d’euros. Une enquête judiciaire est en cours depuis septembre 2023. Elle vise des faits présumés de favoritisme, détournement de fonds publics et recel.
Inégalités de traitement entre collectivités
Ce sont désormais les collectivités membres du GIP qui sont sollicitées pour éponger la dette. La région PACA et la Métropole de Nice ont déjà versé 20 millions d’euros. Reste une facture de 12 millions à répartir. Et c’est là que le ton monte.
La communauté d’agglomération Sud Sainte-Baume refuse de régler la somme de 750.000 euros qui lui est demandée. Cette contribution dépasse largement celle exigée de collectivités plus importantes. Le département du Var et la métropole de Toulon Provence Méditerranée (MTPM), bien que représentant chacun près de 15 % du GIP, ne doivent que 480.000 euros chacun.
Jean-Paul Joseph, maire de Bandol et président de la communauté Sud Sainte-Baume, dénonce un traitement qu’il juge « injuste et inéquitable ». Lors d’une conférence de presse tenue le 5 mai, il a déclaré : « nous représentons 2,2 % du GIP. La métropole toulonnaise et le département du Var, qui représentent 14,8 %, eux, on ne leur demande que 484.000 euros. Ça me paraît injuste et inéquitable. »
En avril, sa collectivité a versé un premier chèque de 70.000 euros, soit 10 % de ce que réclame le liquidateur judiciaire. Celui-ci juge ce montant insuffisant et maintient sa demande initiale. Jean-Paul Joseph évoque « des pressions directes » et parle de « méthodes de voyous ». Il affirme ne pas comprendre l’hostilité dont fait l’objet sa communauté : « je constate avec une grande stupeur une hostilité flagrante de ces trois mastodontes par rapport à notre petite communauté. Je n’en connais pas la raison. Peut-être de mauvaises habitudes politiques ont été prises par des dirigeants qui sont aux commandes depuis des années. »
Une affaire qui s’enlise dans un contexte politique tendu
Le désaccord entre les collectivités n’est pas qu’un problème de chiffres. Il se joue aussi sur fond de tensions politiques. À un an des élections municipales, certains élus redoutent les retombées locales de cette affaire. La dette, elle, continue d’augmenter chaque mois, de l’ordre de 150.000 euros selon les estimations.
Par ailleurs, les accusations ne se limitent pas au seul partage de la dette. Jean-Paul Joseph a partagé un document avec les journalistes présents à sa conférence de presse. Il y évoque « le train de vie général du GIP » et dit y avoir vu « plusieurs infractions pénales potentielles ». Il compte solliciter le procureur de la République pour connaître l’état d’avancement de l’enquête et se réserve la possibilité de se constituer partie civile.
Le rapport de la chambre régionale des comptes n’est encore que provisoire. Les responsables du GIP et les collectivités concernées peuvent y répondre avant sa publication définitive, attendue pour l’été. Mais les premières conclusions renforcent l’idée que la gouvernance du Grand Prix du Castellet a été marquée par une série de défaillances.
Les responsables publics devront maintenant s’entendre pour solder une dette qui continue de peser lourdement sur les finances locales.