Yoann Richomme, skippeur français, participe une seconde fois à The Ocean Race Europe. Il explique les difficultés de la course, les conditions météorologiques en méditerranée et l’enjeu environnemental autour des océans.
Dimanche c’est le grand départ ! The Ocean Race Europe démarre ce dimanche, depuis Kiel, en Allemagne. Les skippers jetteront l’ancre à Nice du 29 au 31 aout. Le français Yoann Richomme souhaite glaner un second succès, sur son bateau Paprec Arkéa, après celui de 2021 (avec Mirpuri Foundation Racing Team). Une course difficile, avec des conditions météorologiques qui ne cessent de changer.
Comment vous sentez avant le grand départ de dimanche ?
« Toute l’équipe se sent super bien, on a eu une bonne préparation. On vient de courir la Rolex Fastnet en Angleterre. Ça s’est plutôt bien passé avec une troisième place, on a bien optimisé notre bateau. Je suis hyper content de l’équipage que j’ai recruté pour faire cette course. On a hâte que ça commence, ça va être une épreuve hyper intensive. C’est parti pour un mois et demi, tête baissée avec des navigations presque tous les jours. Ça va être extrêmement intense, on sait qu’on va finir sur les rotules, mais on sait aussi qu’on aime ce format de course.
Vous vous apprêtez à vous lancer dans une course que vous avez déjà remportée en 2021, qu’est-ce qui change des autres courses, notamment avec différentes mers et un océan à traverser ?
Le problème c’est que tout change sauf le bateau. Ce sont nos bateaux de solitaire avec lesquels on a fait le Vendée Globe. Mais là, on les met sur un parcours très proche des côtes autour de l’Europe, de la Baltique à l’Adriatique. Il y a cinq personnes en tout, quatre navigants et un média Man à bord, présent pour filmer. Il faut adapter les manœuvres, les façons de faire, bien communiquer entre nous et puis optimiser le bateau pour ces conditions d’été en Europe plutôt légère. Pour cela on a refait des voiles différentes, on a allégé le bateau, on a essayé de modifier tout ce qu’on pouvait.
Qu’est-ce qui change une fois arrivé en mer méditerranée ? Comment on s’adapte ?
Nous sommes expérimentés, on a beaucoup navigué en Méditerranée, donc on sait comment ça se passe, c’est vrai qu’il y a beaucoup de vents locaux sur des petites distances, surtout pour nos bateaux qui vont très vite, qui couvrent des distances faramineuses en très peu de temps. La particularité de la zone Nice-Gênes, c’est d’avoir peu de vents généralement, surtout en été, donc des zones compliquées, nos bateaux ne sont pas très bien adaptés au petit temps. Il faut s’adapter à un régime de vent léger que d’habitude on essaie de fuir dans l’océan. Mais là il n’y a pas le choix en Méditerranée, il faut s’y confronter et c’est ce qui permet d’être complet et ce sera probablement l’équipage le plus polyvalent qui remportera cette épreuve.
Est-ce la partie de la course la plus dure (Nice-Gênes) ?
Probablement, je ne suis pas un grand fan du petit temps. Il va bien falloir que je m’y habitue, on a tout fait pour avoir les voiles les plus adaptés au petit temps. Après, on ne connait pas les conditions à l’avance, mais c’est un sujet qu’on a pris au sérieux.
Vous arrivez à Nice, le 29 août dans la journée, vous repartez dans l’après-midi le 31, entre les deux vous faites une pause ?
On navigue devant Nice le samedi 30, donc il n’y a pas de jour de pause à Nice. Ça dépendra, si on arrive tôt le matin du 29, ça fera presque une journée de pause. Sinon, ça va être très intense et il faudra gérer le choix de l’équipage, éventuellement effectuer des rotations pour faire reposer les gens. Il n’y a pas que l’équipe navigante, il y a l’équipe à terre aussi qui entretient le bateau dès qu’on met le pied à terre. C’est eux qui prennent la main et ils sont hyper importants pour leur organisation, le matériel qu’ils transportent. C’est une équipe d’une quinzaine de personnes qui travaillent autour du bateau en réalité.
La ville de Nice a récemment accueilli la troisième Conférence des Nations Unies sur l’Océan. Vous avez toujours défendu l’importance de préserver la mer, qui est votre terrain de jeu, quel regard vous portez sur cet évènement ?
Je trouve ça génial, je pense que la France s’est bien battue pour obtenir l’organisation de ce sommet et Nice en particulier. C’est un beau message que la France se mobilise et prenne le leadership sur ce sujet. Il faut vraiment trouver des solutions pour protéger nos océans. On sait qu’aujourd’hui, les besoins en ressources, les technologies permettant d’avoir accès au fond marins on les a. Il faut vraiment prendre les choses en main pour obtenir un système global de gestion de l’océan, c’est une énorme montagne à gravir mais c’est nécessaire.
Est-ce que les Français, selon vous, ont conscience de l’état dans lequel sont nos mers et océans ?
C’est dur de répondre ! C’est compliqué pour les Français de visualiser c’est qu’est l’océan. Je le vois à travers le manque de compréhension, qui est normal, de ce que nous faisons. Qu’est-ce que ça veut dire d’aller sur un bateau en solitaire au large ? Comment ça se passe ? Comment tu dors ? Comment tu vis ? À quoi ça ressemble tout ça ? Les gens ne peuvent pas se projeter là-dedans, peut-être comme moi, je ne peux pas me projeter dans d’autres sujets.
Ce manque de connaissance montre qu’il est difficile de responsabiliser les gens sur ce sujet. Si c’était directement sur la terre, les populations pourraient visualisés les conséquences. On croit beaucoup aux évidences, aux faits. Je pense que ça fait partie de notre mission de montrer l’état actuel de l’océan.
Alors nous c’est délicat parce que là où on navigue, en Proche-Atlantique, c’est relativement propre comme endroit, mais il y a des endroits où c’est beaucoup moins glorieux. C’est là où il faut s’attaquer aux problèmes. Alors les efforts sont à faire partout, mais nous on est là pour porter une voie sur la préservation de l’océan. Je pense qu’on a un poids à jouer, aujourd’hui, dans ce sujet global et notre rôle il est là. C’est notre terrain de jeu de tous les jours et on voit parfois à quel point il peut être endommagé. »