Le 9 mars 2015, un accident d’hélicoptères lors du tournage de l’émission Dropped avait coûté la vie à dix personnes, dont la navigatrice Florence Arthaud, la nageuse niçoise Camille Muffat et le boxeur Alexis Vastine. Dix ans après, le parquet de Paris demande un procès pour homicides involontaires contre la société de production Adventure Line Productions et un responsable sécurité.
L’affaire remonte à mars 2015. Deux hélicoptères Écureuil s’étaient percutés en plein vol avant de s’écraser dans la province de La Rioja, en Argentine. Ils transportaient des candidats et des membres de l’équipe technique de l’émission Dropped, produite pour TF1 qui n’a jamais vu le jour.
Le parquet de Paris considère aujourd’hui que la production et un responsable sécurité ont commis des fautes ayant conduit au drame. Selon son réquisitoire, rendu fin août, aucun briefing n’avait été organisé avant le vol. Le second pilote, arrivé tardivement, n’aurait pas été associé à la préparation. Une réunion aurait dû permettre de clarifier la manœuvre souhaitée par la production, consistant à filmer les appareils en vol rapproché.
Le parquet reproche aussi à l’organisation de ne pas avoir vérifié le respect des règles aéronautiques applicables. Ces manquements seraient à l’origine d’une collision qui reste, encore aujourd’hui, la plus meurtrière dans l’histoire de la téléréalité.
Pour les familles, l’annonce de ces réquisitions constitue une étape importante. « Les familles ont enfin une réponse. C’est à la fois très tardif, mais en même temps, c’est un soulagement. Elles seront maintenant très attentives à la décision du juge d’instruction », a déclaré Me Solenn Le Tutour, avocate de plusieurs proches des victimes. Le juge doit désormais décider si les mis en cause seront renvoyés devant le tribunal.
Le parquet a en revanche requis un non-lieu pour les anciens dirigeants de la société de production, également mis en examen au cours de l’instruction.
Une longue procédure judiciaire en France et en Argentine
Dès le lendemain de l’accident, deux enquêtes avaient été ouvertes, l’une en Argentine, l’autre en France. L’instruction française, menée par le pôle accidents collectifs du tribunal de Paris, a mis des années à établir les responsabilités.
Adventure Line Productions, producteur de programmes comme Koh-Lanta ou Fort Boyard, a déjà été sanctionné au civil. En 2021, la cour d’appel de Versailles a retenu une « faute inexcusable » et condamné la société à indemniser la famille d’un caméraman mort dans l’accident.
La justice pénale, plus lente, n’avait jusqu’ici pas débouché sur un procès. Les réquisitions du parquet ouvrent donc une perspective nouvelle, dix ans après la tragédie.
Le drame avait suscité une forte émotion en France. Florence Arthaud, surnommée « la petite fiancée de l’Atlantique », était l’une des figures les plus populaires de la voile. La Niçoise Camille Muffat, médaillée olympique en natation, représentait une génération de sportifs prometteurs. Alexis Vastine, boxeur, avait déjà connu plusieurs déceptions sportives et voyait dans cette émission l’occasion d’un nouveau départ. À leurs côtés, cinq membres de la production et deux pilotes argentins avaient également perdu la vie.
La défense d’Adventure Line Productions n’a pas réagi aux demandes du parquet. Les familles, elles, attendent désormais la décision du juge d’instruction, qui dira si le dossier sera renvoyé devant un tribunal correctionnel.
Un tournage qui devait lancer une nouvelle téléréalité
Dropped devait être diffusée à l’été 2015 sur TF1. Le concept reposait sur un principe simple : larguer des sportifs et des personnalités dans des zones isolées, puis filmer leur retour vers la civilisation en moins de 72 heures.
Le projet a été brutalement interrompu après le crash. Les images tournées ne seront jamais diffusées. L’accident a aussi marqué un tournant dans la réflexion sur la sécurité des productions de téléréalité, souvent tournées dans des conditions extrêmes.
Dix ans plus tard, la perspective d’un procès rappelle que le drame continue de peser sur les proches des victimes. Les réquisitions du parquet ne sont qu’une étape. La décision finale appartient au juge d’instruction.