

Quelques heures avant cet événement, dans un souffle plutôt rafraîchissant qui n’aura duré qu’un court instant, la Secrétaire d’Etat aux Droits de l’homme avait évoqué, selon Le Monde, « trois conditions » pour la participation du Président de la République à l’ouverture des Jeux le 8 août prochain. Avant d’être singulièrement démentie par son Ministre de tutelle. Une prise de position pourtant logique à la suite de la lourde condamnation à la prison du cyberdissident Hu Jia par des responsables chinois qui n’ont pas tenu compte – ou trop ? – des interventions réitérées de la France en sa faveur. « Une véritable déception », reconnaissait Rama Yade. Surtout, un échec cinglant de la stratégie élyséenne qui consiste à « évaluer la situation pour prendre une décision le moment venu »: le caractère purement incitatif et modéré de la formulation n’a, semble-t-il, pas eu l’heur de plaire à Pékin qui a purement et simplement mis cette voix soutenue par la France, si l’on ose dire, sous l’éteignoir. Le Président de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer, a refusé de laisser déployer le drapeau tibétain sur le fronton du Palais-Bourbon lors du passage de la flamme tandis qu’en Commission des Affaires étrangères du 25 mars, le Ministre Bernard Kouchner n’aurait trouvé meilleur argument de soutien à la Chine que celui de l’archaïsme du droit des femmes au Tibet ! Ce que confirme l’intervention du Député des Alpes-Maritimes Lionel Lucca dans sa réponse à l’audition du Ministre : « les femmes siègent parmi les députés tibétains en exil et la première vice-présidente de l’Assemblée tibétaine est justement une femme ». « La critique théocratique est donc infondée et ne relève que de la propagande chinoise », a-t-il répliqué au chef du Quai d’Orsay.
Les sportifs français peinent également à relayer le message de la liberté. Mobilisés à l’initiative du perchiste Romain Mesnil, les espoirs tricolores négocient laborieusement le port d’un badge susceptible d’être distribué à l’ensemble des délégations. Malgré la prise de conscience des athlètes, pourtant perceptible dans les milieux de la compétition, leurs ambitions ont dû être revues à la baisse à la demande du CIO : d’âpres discussions entravent l’adoption d’un accord pour porter cet insigne distinctif. Pékin, qui plus est, devra donner son autorisation pour que celui-ci puisse être arboré lors de la cérémonie d’ouverture.
Réunis enfin le 28 mars dernier, les Ministres européens des Affaires étrangères ont étalé leur division sur le sujet : emmenés par la Pologne, les pays en faveur du boycott de la cérémonie d’ouverture se sont heurtés aux strictes réserves allemandes et aux gigantesques intérêts financiers du « mécénat » sportif outre-Rhin.
On objectera que l’article 51-3 de la Charte olympique ne tolère « aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale […] dans un lieu, site ou autre emplacement olympique ». Mais offrir les JO de 2008 à la Chine comme ceux de l’hiver 2014 à la Russie dans l’espoir de ramener ces deux nations à de meilleures dispositions sur les Droits de l’homme ne constitue-t-il pas en soi un cadeau politique ? Pékin ne s’y est pas trompé lorsqu’en juillet 2001, à l’annonce du succès de sa candidature, les autorités ont immédiatement fait déployer, selon un universitaire présent sur les lieux et interrogé par « Courrier International », des policiers anti-émeutes sur la place centrale de Lhassa.
Une flamme protégée, selon le Préfet de police à Paris, comme un « chef d’Etat » par plusieurs milliers de policiers pendant les 27 Km de son parcours parisien. Et un dispositif national élaboré sous le « contrôle » d’une Délégation d’une douzaine de membres de l’Ambassade de Chine à Paris et du Comité olympique chinois. Rien de politique en effet. En dépit des 63% de Français favorables à une action le 8 août prochain, la France, à défaut d’être « plus tibétaine que les Tibétains », serait-elle devenue plus chinoise que les Chinois ?
