

Les mouvements totalement irrationnels des bourses mondiales, qualifiés un jour de « krach » pour, dès le lendemain, repartir à la hausse sur la base de rumeurs concernant l’éventuelle intervention des « réhausseurs de crédit » en disent long sur les logiques d’immédiateté, pour ne pas dire d’instantanéité, ainsi que sur la relative déconnexion des marchés des réalités économiques. La fraude gigantesque au sein de la Société Générale dont la raison rend difficile le fait d’en attribuer la seule paternité à un trader, traduit un détournement du professionnalisme en faveur d’une opération digne d’une martingale de gains.
« Mutation mondiale des finances, effritement du système bancaire, absence de vision à long terme et obsession de l’instant, manque de professionnalisme », tels sont les amères constats dressés par l’un des banquiers présents au forum de Davos. Il n’y a pas besoin d’aller si loin. Il suffit de parcourir l’impressionnant rapport de la Commission présidée par Jacques Attali sur « la libération de la croissance française » pour y découvrir un catalogue de tous les maux qui affectent notre pays et lister les 316 remèdes qu’il conviendrait de lui administrer. Son fil rouge : une phrase dans l’introduction : « Si la gouvernance politique, économique, commerciale, environnementale, financière et sociale de la planète sait s’organiser, la croissance mondiale se maintiendra très durablement au-dessus de 5 % par an. ». Comment en effet expliquer qu’en dépit de la bonne croissance américaine, au moins jusqu’à peu, l’expression « working poors » – ceux obligés de cumuler deux emplois pour survivre – ait vu le jour de l’autre côté de l’Atlantique ? Comment comprendre que malgré les excellents résultats du commerce extérieur allemand, les « statistiques montrent que l’Allemagne est devenu un pays de bas salaires ? ». Quant à la France, « en 40 ans, explique jacques Attali, la croissance annuelle de l’économie française est passée de 5% à 1,7% l’an pendant que la croissance mondiale suivait le chemin inverse. En cause selon lui, le conservatisme d’un modèle politique hérité de la seconde guerre mondiale, la lenteur des réformes, des règlements tatillons de l’Etat – le passage pour une PME de 49 à 50 salariés entraîne l’application de 34 législations supplémentaires !-, bref, la France serait devenue « une société de connivences et de privilèges ».
Qu’on se rassure : certains financiers n’hésitent pas à expliquer que ces soubresauts qu’ils tiennent pour bénéfiques, visent à épurer le marché, à « l’assainir ». Certains de leurs analyses, les cinq plus grands établissements financiers de Wall Street, comme le révèle un grand quotidien, ont payé à leurs employés 66 milliards de dollars en 2007, soit une augmentation de 9%. En clair, seules les pertes seront partagées par tous. Le prestigieux bal de clôture de Davos, offert dit-on cette année par la France, peut tranquillement s’ouvrir.