Tour de France Féminin à Nice : fin de la gratuité ?

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La foule regarde le passage des femmes du Tour de France au bord de la route en tapant dans les mains.
Photo DR : A.S.O./Pauline Ballet.

L’arrivée du Tour de France Féminin aura lieu cet été sur la Promenade des Anglais. Un débat s’installe pourtant : assister à une grande arrivée pourrait-il devenir payant à l’avenir ? Les prises de position récentes d’acteurs du cyclisme relancent la question.

Nice prépare l’arrivée du Tour de France Féminin. La ville met en avant l’événement. Les équipes se projettent déjà. Le public attend le passage du peloton sur la Promenade des Anglais. L’ambiance s’annonce dense. Pourtant, une interrogation circule. Faudra-t-il un jour payer pour accéder aux zones d’arrivée des grandes courses cyclistes ?

La question est revenue dans l’actualité début novembre. L’ancien coureur et ex-manager Jérôme Pineau a évoqué cette piste dans un podcast. Il intervenait dans un contexte de fragilité économique pour plusieurs équipes. Ces dernières mois, certains acteurs du cyclisme mettent en avant la hausse des budgets, la recherche de nouveaux financements et le manque de ressources pour les formations professionnelles.

Jérôme Pineau a présenté son idée dans le podcast Grand Plateau (RMC). Il estimait qu’il serait possible de rendre certaines zones payantes. Selon lui, cela permettrait de soutenir financièrement les équipes. Il évoquait des arrivées emblématiques. Il citait des sites connus du Tour. Dans son intervention, il déclarait : « aujourd’hui on est dans un système d’ultra-riches, mais il n’y a pas d’oseille. Le vélo est en train de se tuer à cause de ça. Je suis très inquiet pour mon sport. »

Il confirmait ensuite sa proposition. Toujours dans Grand Plateau : « je vais choquer du monde mais aujourd’hui on a créé une étape qui va faire deux fois l’Alpe d’Huez, privatisons les cinq derniers kilomètres de l’Alpe d’Huez, faisons payer l’entrée, faisons des VIP, créons quelque chose pour faire gagner de l’argent! »

Une semaine plus tard, il réitérait sa position dans le Super Moscato Show sur RMC. Il précisait vouloir cibler les zones d’hospitalité, et non l’accès du grand public. « Quand on fait payer les gens car on leur sert une coupe de champagne et qu’on leur donne des échantillons de petits gâteaux, ils payent une énorme facture! » Il ajoutait : « les équipes devraient être rétribuées puisque ce sont nous qui faisons le spectacle! »

Ces interventions ont lancé un débat. Certains estiment qu’un modèle économique sans billetterie a atteint ses limites dans un sport en pleine expansion. La fin de saison a été marquée par la disparition d’Arkéa-B&B Hotels. Cofidis sort du World Tour. TotalEnergies cherche un nouveau sponsor principal. Ces signaux alimentent les réflexions de plusieurs acteurs.

Parmi les soutiens exprimés, l’un vient de l’ancien sprinteur italien Filippo Pozzato. Organisateur de la Veneto Classic, il a déjà appliqué un dispositif similaire. Il déclarait : « c’est la seule solution pour assurer notre avenir. Nous sommes le seul sport sans billetterie (…) Le modèle économique actuel est insoutenable, car une équipe ne retire rien en retour. »

ASO, l’UCI et plusieurs responsables ferment la porte

Face à ces propositions, les organisateurs du Tour répondent avec prudence. Et pour l’heure, la billetterie ne figure pas dans leurs projets.

L’Amaury Sport Organisation (ASO), qui gère le Tour de France, a réagi. Pierre-Yves Thouault, directeur adjoint du département cyclisme, a coupé court : « par essence, le cyclisme est gratuit (pour le public) et la mise en place d’un système de billetterie n’est absolument pas à l’ordre du jour. »

Il a réaffirmé cette position dans un second entretien cité dans un autre média : « par essence, le sport cycliste est gratuit et instaurer une billetterie n’est absolument pas d’actualité. »

Le manager de la Groupama-FDJ, Marc Madiot, partage ce point de vue lui aussi ce point de vue : « le cyclisme est un sport gratuit et cela participe à son succès. »

Le président de l’UCI, David Lappartient, a lui aussi exprimé ses réserves. Dans un entretien, il soulignait : « la billetterie, c’est un peu compliqué dans le Tour de France, parce qu’historiquement, là, on touche à un débat national. »

Ces prises de position montrent un refus net. Les organisateurs défendent l’idée d’un sport accessible. Ils rappellent son identité populaire. La gratuité fait partie de cette identité. Les grandes courses attirent des foules variées. Les supporters se déplacent sans barrière financière. Les responsables jugent qu’une billetterie pourrait remettre en cause cette caractéristique.

Pour Nice, la question est simple. L’arrivée du Tour de France Féminin restera ouverte au public. La Promenade des Anglais accueillera les spectateurs comme à chaque grande épreuve cycliste. Le débat national n’aura pas d’impact sur cette édition. Mais les discussions lancées par certains acteurs du peloton ne disparaîtront pas. Elles reviendront peut-être à mesure que les équipes chercheront un nouveau modèle économique.

Le sujet reste sensible. Il touche à l’histoire du cyclisme. Il questionne son financement. Il interroge son avenir. Pour l’instant, les organisateurs ferment la porte. Mais le débat est lancé. Et il pourrait ressurgir lorsque la question des budgets reviendra dans l’actualité du peloton professionnel.