
Alors que la mairie de Nice prépare la commémoration des dix ans de l’attentat du 14 juillet 2016, la décision du maire de baptiser le parvis du futur Hôtel des Polices « Nicolas Sarkozy » continue de susciter la controverse. Les associations de victimes, réunies à l’Hôtel de Ville, rejettent cette idée et plaident pour un hommage plus en lien avec la mémoire des 86 morts et des milliers de blessés du 14 juillet 2016.
Le maire de Nice a reçu, ce jeudi, les associations de victimes de l’attentat du 14 juillet 2016. La rencontre s’est tenue en mairie principale, dans le cadre des préparatifs de la commémoration du dixième anniversaire du drame. Étaient présents Patrick Prigent pour Life for Nice, Hager Ben Aouissi pour Une Voie des Enfants, Alain Dariste et Stéphane Erbs pour Promenade des Anges, ainsi qu’Anne et Philippe Murris pour Mémorial des Anges.
D’après la municipalité, ces associations ont exprimé une position commune : aucune d’entre elles ne souhaite que le parvis du futur Hôtel des Polices porte le nom d’« Esplanade du 14 juillet ». Elles estimeraient que « les symboles liés au drame des attentats de Nice sont déjà là, qu’ils sont forts et profondément ancrés. »
Elles ont, en revanche, réaffirmé leur volonté de poursuivre le travail de mémoire mené avec la ville. Ce travail s’incarne déjà dans la dénomination de plusieurs lieux publics : la rue Emmanuel-Grout, l’allée Borla, la plaque Yanis Coviaux ou celle dédiée à l’avocate Myriam Bellazouz au sein du Tribunal judiciaire. La ville et les associations ont convenu qu’un espace pourrait être dédié à chaque victime dont la famille en ferait la demande.
Mais au-delà de cette concertation, une autre polémique s’est invitée dans le débat public. Le choix de Christian Estrosi de rendre hommage à Nicolas Sarkozy en donnant son nom au parvis du futur Hôtel des Polices a déclenché une vague de critiques.
Un hommage contesté et une proposition alternative
Le 29 septembre, Christian Estrosi a annoncé sur le réseau X que le parvis du futur Hôtel des Polices porterait le nom de Nicolas Sarkozy. Selon lui, il s’agit de saluer « l’action déterminante » de l’ancien président « en faveur de la sécurité des Niçoises et des Niçois » et son appui au projet de regroupement des polices nationale et municipale.
Cette annonce est intervenue quelques jours après la condamnation de Nicolas Sarkozy à cinq ans de prison, dont deux fermes, dans l’affaire des financements libyens de sa campagne présidentielle de 2007. Le jugement évoquait des faits « d’une gravité exceptionnelle ». Cette décision judiciaire a relancé le débat sur l’opportunité d’honorer un ancien chef de l’État à plusieurs reprises condamné.
L’association Tous citoyens ! avait réagi par un communiqué au ton ferme : « non, Nice ne doit pas honorer Nicolas Sarkozy ! » Le texte évoque « un mépris pour la justice » et « un manque de respect pour les valeurs morales. » L’association rappelle aussi que la Ville a déjà attribué le nom de rues ou d’espaces publics à des personnalités politiques condamnées, comme Charles Pasqua, Jacques Médecin ou Jacques Chirac.
Pour Tous citoyens !, « attribuer le nom de Nicolas Sarkozy au parvis du futur commissariat central revient à faire l’éloge de la corruption. » Le mouvement estime qu’une telle décision porterait « atteinte à l’image de Nice et au sens civique à enseigner aux enfants. » Une pétition a rapidement circulé. En moins de vingt-quatre heures, elle a rassemblé plus de 800 signatures. Elle culmine désormais à 3 400 signatures.
Dans ce contexte, des familles de victimes ont avancé une alternative. Célia Viale et Thierry Vimal, tous deux parents de victimes de l’attentat du 14 juillet 2016, proposent que le lieu soit baptisé « Esplanade du 14 juillet 2016 ». Leur texte, largement diffusé sur les réseaux sociaux, formule une argumentation structurée :
« Puisqu’au lendemain de l’attentat du 14 juillet 2016, les services de la ville et les services de l’État se sont violemment rejeté la responsabilité du drame (les archives en ce sens abondent), puisque les deux protagonistes semblent s’être finalement réconciliés autour de la création d’un hôtel de police qui rassemblera sous un même toit police nationale et police municipale, […] il nous paraîtrait décent et respectueux de ne pas nommer l’esplanade située devant le nouvel Hôtel de police de Nice Esplanade Nicolas Sarkozy, mais plutôt ESPLANADE DU 14 JUILLET 2016. »
Cette proposition a reçu le soutien de plusieurs élus d’opposition. David Nakache, président de Tous citoyens ! et membre du rassemblement citoyen Viva !, l’a relayée : « Célia Viale et Thierry Vimal, tous deux familles de victimes de l’attentat du 14 juillet 2016, proposent une alternative à la dénomination « parvis Sarkozy » : « Esplanade du 14 juillet 2016 ». Je partage cette proposition, juste et ô combien légitime. »
Pour ses partisans, il s’agit d’un choix symbolique, en lien direct avec la mémoire collective. Le futur Hôtel des Polices, censé incarner l’unité entre l’État et la Ville, deviendrait aussi un lieu de recueillement et de reconnaissance.
Ce débat dépasse le simple cadre de la dénomination d’un parvis. Il renvoie à la manière dont Nice construit sa mémoire publique et choisit les figures qu’elle honore.