Gratuité des transports à Nice : un débat entre urgence écologique et contrainte budgétaire

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La ligne 1 de tramway sur la place Massena de Nice
Illustration K.S.

Le collectif « Viva ! » relance la controverse autour des transports publics gratuits. Ses membres défendent une mesure sociale et écologique. La Cour des comptes, de son côté, alerte sur un coût difficilement soutenable. Entre les arguments financiers et la volonté de changer les habitudes, la bataille s’installe dans le débat local.

À Nice, la question des transports gratuits prend une dimension politique. Le collectif « Viva ! », proche de la gauche locale, milite pour un basculement radical. Ses membres défendent l’idée que la gratuité est une nécessité. Ils y voient une réponse aux enjeux climatiques et un moyen de réduire la place de la voiture.

Le 18 septembre, Robert Injey, porte-parole du collectif, a critiqué l’approche de la Cour des comptes. Pour lui, les magistrats « se cantonnent aux chiffres » et ne prennent pas en compte la nécessité de « changer de paradigme. » Dans son texte, il plaide pour « passer d’une culture du tout bagnole à une culture du transport en commun. »

« Viva ! » avance ses propres calculs. Selon eux, la gratuité sur l’ensemble des réseaux urbains représenterait 5 à 6 milliards d’euros par an, un coût qu’ils comparent aux 13 milliards consacrés à l’entretien du réseau routier par les collectivités. Leur raisonnement est simple : si l’argent public peut soutenir les voitures, il peut aussi financer les bus et tramways.

Le collectif s’appuie également sur les expériences menées ailleurs. Dans certaines villes, la fréquentation des transports en commun a augmenté et la circulation automobile aurait baissé de 5 à 10 %. Mais ces chiffres sont discutés. Des études montrent que les nouveaux usagers sont souvent d’anciens cyclistes ou piétons, et non des automobilistes.

Une fracture politique locale

La controverse dépasse les chiffres. Elle oppose deux visions de l’aménagement urbain et du rôle des pouvoirs publics. Pour Christian Estrosi, maire de Nice, et son adjoint aux transports Gaël Nofri, la gratuité n’est pas une priorité. Leur argument repose sur le fait que ce que l’usager ne paie pas, c’est le contribuable qui le paie.

L’exécutif municipal préfère investir dans la qualité de service, la sécurité et l’extension du réseau. Les tarifs actuels, jugés « déjà parmi les plus bas du pays », sont présentés comme un équilibre raisonnable entre accessibilité et financement.

En face, « Viva ! » dénonce « l’immobilisme ». Robert Injey insiste sur la spécificité du département des Alpes-Maritimes, saturé quotidiennement entre Cannes et la frontière italienne. « L’immobilisme sur ce sujet est mortifère », écrit-il. Pour lui, refuser la gratuité revient à prolonger un modèle insoutenable face au dérèglement climatique.

La gauche locale reprend ces arguments. Elle insiste sur l’urgence à modifier les comportements de mobilité. La gratuité est présentée comme un levier pour provoquer ce basculement. Mais la question du financement reste entière.

La Cour des comptes en arbitre sévère

Le débat à Nice trouve un écho dans le rapport national publié le 16 septembre par la Cour des comptes. L’institution y insiste sur l’urgence d’agir contre le changement climatique. Pierre Moscovici, son premier président, a déclaré que « le statu quo n’est pas une option. »

Le rapport souligne que « le coût de la transition écologique est bien inférieur à celui de l’inaction. » La Cour appelle à une planification rigoureuse et à une meilleure articulation entre budgets publics et objectifs climatiques. Mais elle met aussi en garde contre les dépenses incontrôlées.

Dans ce cadre, la gratuité totale des transports urbains apparaît comme un choix risqué. Elle pourrait fragiliser les finances locales, déjà sous tension. L’institution rappelle que les besoins de financement pour la transition écologique dépassent largement les moyens actuels. Plus de 200 milliards d’euros par an seraient nécessaires, deux fois plus que les montants mobilisés aujourd’hui.

Une question de priorités

La polémique niçoise illustre une tension nationale. D’un côté, l’urgence écologique impose de repenser la mobilité. De l’autre, les collectivités doivent arbitrer entre de multiples investissements : extension du réseau, modernisation du matériel, baisse des émissions.

Le débat reste ouvert. La gratuité attire par son symbole et son potentiel social. Mais ses opposants rappellent qu’elle n’efface pas la réalité : un réseau de transport coûte cher à entretenir et à développer.

À Nice, comme ailleurs, la question se résume à une équation politique. Faut-il financer la gratuité totale, au risque de creuser les déficits, ou privilégier des améliorations ciblées du service ? Entre urgence écologique et prudence budgétaire, la réponse n’est pas tranchée.