Noam Yaron : « le défi a été largement réussi »

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Après son exploit de nager, sans sortir de l’eau, de Calvi à Monaco, Noam Yaron revient sur cette aventure complètement folle. Il évoque, notamment, son moment le plus fort, ainsi que l’impact environnemental dans le monde.

Il y a un peu plus de deux semaines, le Suisse Noam Yaron a relevé un défi fou : traverser la Méditerranée, de Calvi à Monaco, à la nage, sans sortir de l’eau. Malheureusement, pour des raisons de santé, il a dû remonter sur le bateau qui le guidait durant sa traversée à seulement deux kilomètres de l’arrivée. Après plusieurs jours en soins intensifs, Noam Yaron retrouve ses sensations. Il revient sur son exploit. 

Malgré votre matériel poussé, vous avez rencontré un problème par rapport à l’eau salée. Est-ce que c’est un problème que vous aviez anticipé ?

« Bien sûr ! C’est quelque chose que j’avais déjà expérimenté lors de ma première tentative de 103 km, en 48 heures, en 2024. J’avais déjà, en sortant de l’eau, des frottements liés à la combinaison et au sel. On a travaillé notamment avec des coupeurs de feu. C’est quelque chose qui a très bien marché pour moi pendant la traversée. Cependant, on ne pensait pas que les blessures allaient être aussi profondes

La seule chose qu’on aurait pu améliorer sur la partie logistique, c’est de désigner une poche à l’arrière de la combinaison qui pouvait se dézipper pour pouvoir faire mes besoins dans l’eau sans avoir besoin d’enlever la combinaison. Ce n’est pas sexy, mais ça fait partie du jeu. Sachant que je n’ai pas le droit de sortir de l’eau, enlever sa combinaison, ça demande beaucoup d’énergie.

Durant votre traversée vous avez eu plusieurs d’épisodes d’hallucinations…

Alors ouais, les hallucinations, c’est quelque chose auquel j’ai déjà été confronté pendant ma première tentative Calvi–Monaco. J’étais parti depuis 48 heures et 103 km. Les hallucinations arrivent généralement après 24 à 48 heures, et pour moi,
c’était autour des 48 heures.

Au départ, c’est très léger : le cerveau confond par exemple ma ligne d’eau avec un serpent. Puis, au fur et à mesure, c’est la réalité complète qui se transforme. Par exemple, je voyais le bateau comme un château, je me croyais dans un jardin, je me voyais même hors de l’eau. Plusieurs fois, j’ai dit à l’équipe : « mais on est hors de l’eau, on est disqualifiés ! » Enfin, je pensais que c’était fini.

Il a fallu un énorme travail pour comprendre ce que je vivais, voir ce que je voyais, et me remettre dans l’environnement réel : l’eau, la nage. C’était très compliqué. Au début, j’ai avancé très vite, mais les hallucinations, qu’on avait anticipées, ont été très fortes et m’ont beaucoup ralenti. Il y a des moments où je nageais moins, où je posais des questions, où je m’épuisais, où la respiration était plus difficile, parfois en buvant la tasse. Les courants et le vent rendaient tout encore plus compliqué.

La difficulté numéro un, c’était vraiment de gérer les hallucinations. Je me suis vu en Chine, en Thaïlande, j’avais l’impression que j’étais dans un marais et que la ligne d’eau qui était autour de moi c’est finalement des nénuphars, j’avais aussi l’impression que quand je touchais l’extérieur de ma ligne d’eau, je touchais du sable, je voyais des ombres de gens déformés comme dans le monde de Chihiro qui passaient devant moi. Ce qui est fou, c’est que je me rappelle de presque tous les détails : les discussions avec l’équipe, les pauses… La seule chose que je n’ai pas encore réussi à remettre complètement dans l’ordre, c’est le déroulement exact des jours et des nuits, parce que pour moi, ce n’était pas jour et nuit : c’était une seule longue traversée, mais j’ai à peu près tout en tête.

Vous avez appris à dormir en nageant. C’est venu d’où ?

Je l’ai travaillé très peu de temps, parce j’ai été très rapidement sensible à l’hypnose. J’ai découvert ça avec un spécialiste, un ancien docteur qui s’est réorienté vers les médecines chinoises et qui est un expert de renommée internationale. Sa mission est de former le plus de personnes possible pour que ces techniques continuent à être utilisées, ce qui est extrêmement utile pour ces patients.

Au départ, il ne voulait pas me recevoir, car il ne comprenait pas la mission de vouloir utiliser l’hypnose pour se dépasser, dormir, et nager plus longtemps. Il se demandait si c’était durable pour le corps et la performance. Je lui ai dit : « écoute, si un jour tu as un patient qui te décommande, je viens. » Et c’est ce qui s’est passé. On s’est tout de suite entendu, et il m’a dit que ma capacité à apprendre cette technique était incroyable.

Au bout de la première séance, j’ai réussi à m’hypnotiser moi-même. Peu à peu, j’ai compris que je pouvais dormir en nageant. Au départ, je voulais entraîner l’hypnose pour pouvoir dormir en nageant, c’est-à-dire pas juste me mettre sur le dos et fermer les yeux, mais réellement dormir et régénérer mon corps. Cette méthode m’a permis de dormir en nageant, ce qui est beaucoup plus pratique pour continuer d’avancer et éviter d’être déporté par les vagues, les vents et les courants pendant les pauses.

Est-ce qu’il y aura une dernière tentative ? 

Pourquoi faire ? Le défi a été largement réussi, bien que je n’ai pas posé un pied à Monaco. Je suis très heureux de ce qu’on a pu faire. J’ai nagé beaucoup plus de kilomètres que ce qui était prévu. Aucun être humain n’a jamais nagé aussi longtemps dans ces conditions, tant en termes de kilomètres qu’en termes d’heures.

Pour vous dire, la référence en Méditerranée, elle est de 140 kilomètres, j’ai fait 50 kilomètres de plus. Normalement, les nages les plus longues enregistrées dans le monde sont entre 50 et 60 heures, j’ai nagé 102 heures, c’est pratiquement le double. Ça n’a pas de sens, en tout cas pour moi, de retenter cette aventure qui est, à mes yeux, plus que réussie, et c’est tout ce qui compte.

Quels vont être vos projets à l’avenir, que ce soit un autre défi sportif ou sur le plan environnemental ? 

Il y a plusieurs choses au programme ! La première, c’est de réaliser un documentaire. Il va retracer le défi sportif, mais aussi parler de l’aspect environnemental. Ensuite, j’aimerais beaucoup écrire un livre pour parler de mes ressentis, de mes hallucinations, de ma préparation. Expliquer comment un mec normal a réussi à réaliser une performance que beaucoup considère surhumaine.

Enfin, le dernier projet c’est de continuer à se battre pour l’environnement. Plus précisément l’Océan, avec un grand O, qui représente toutes les eaux du monde, dont la Méditerranée fait partie. J’ai eu la chance d’être nommé ambassadeur de la campagne internationale Together Free Ocean, qui a été lancée par le milliardaire et philanthrope Michael Bloomberg aux États-Unis. Je suis très content de pouvoir porter ce sujet à l’international, avec plus de 25 organisations mondialement connues dans le secteur. L’objectif c’est de convaincre les dirigeants et les gouvernements d’atteindre 30 % de protection de l’océan d’ici 2030.

Il y a la politique aussi qui est peut-être une solution pour pouvoir avoir un impact concret et réel. Et puis, finalement, fin septembre, du 20 au 30, aura lieu notre action concrète, qu’on mène depuis 4 ans, Waterlover Challenge. Ça consiste à collecter des mégots dans le monde entier. N’importe qui peut participer sur notre site. Les gens peuvent prendre des photos de leur collecte et, ensuite, nous, on comptabilise. L’année dernière, on a collecté plus d’un million de mégots en 10 jours.

Quel a été, selon vous, le moment le plus beau ou le plus fort de votre traversée ?

Alors c’est les deux en même temps ! Ça s’est passé lors de la première nuit. J’étais en train de nager paisiblement, encore en toute possession de mes moyens, sans hallucination. Puis, tout à coup, j’ai ressenti justement une grosse tape sous mon ventre. J’ai regardé en dessous de moi, j’ai vu une queue. Et là, je me suis dit, ça y est, c’est un requin qui essaye de me goûter. C’est comme ça que les requins testent leur proie. Je me suis tout de suite arrêté, j’ai alerté mon équipe. Et, soudainement, un bébé dauphin est apparu de nulle part et a effectué quelques tours autour de moi, avant de repartir.

Il m’a fait bien peur, mais ça a été ensuite clairement l’un des plus beaux moments. Et puis, ça permet de parler des requins. Beaucoup de gens en ont peur, mais c’est une espèce qui est extrêmement menacée en Méditerranée. C’est plutôt l’homme qui est dangereux pour le requin que l’inverse. Ils sont importants pour l’écosystème, ils ont un rôle qu’il faut absolument mettre en lumière pour les protéger. 

Qu’est-ce que vous diriez aujourd’hui au petit garçon que vous étiez et qui terminait dernier en natation ?

Je lui dirais de continuer à croire que rien n’est impossible. Les seules limites qu’on se fixe, c’est celles qui sont dans notre tête et que personne ne peut nous dire de quoi on est capable. Il faut le faire pour soi, pas pour les autres. Qu’on peut porter des causes qui nous tiennent à cœur, au travers du sport.

Je me réjouis énormément de pouvoir continuer à repousser les limites du possible, et de défendre cette cause qui me tient particulièrement à cœur. L’eau est une source de vie dont on a absolument besoin. Je pense que ce n’est pas encore compris et qu’il faut qu’on remette vraiment nos priorités au bon endroit. La Méditerranée est l’une des mers les plus polluées du monde et il faut absolument qu’on arrive à la protéger avant qu’il ne soit trop tard. »

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