

Dans le maelström des bouleversements politiques, le général Aoun choisit comme allié électoral pour les premières élections législatives libres, ceux qui sont restés les plus proches collaborateurs des anciens occupants. Avec ses « nouveaux partenaires » du Hezbollah, il paraphe même à la surprise générale, un « document d’entente » politique le 6 février 2006 signé, explique-t-il, pour « amortir le choc et éviter l’explosion interne ». C’est dire si la publication de ses « entretiens » avec un journaliste spécialiste du Proche-Orient, nourrissait la promesse de venir éclairer les méandres d’un parcours politique. On reste toutefois sur sa faim. En dépit des nombreuses questions – et interventions – de Frédéric Domont, le général Michel Aoun semble écartelé, prisonnier de son histoire personnelle peut-être, entre deux « visions » du Liban: celle, confessionnelle, qu’il n’a pas hésité à utiliser pour faire élire ses députés au nouveau Parlement et celle plus moderne, « laïque » et dont le président pourrait être un jour « élu au suffrage universel direct ». Difficile en effet de ne pas se perdre dans la réflexion du chef du Courant Patriotique Libre qui, d’une part, prône la formation d’un gouvernement efficace « libéré du système confessionnel » mais traite, d’autre part, l’actuelle majorité de « sectaire » au motif que toutes les composantes religieuses n’y sont pas représentées. Comment le suivre encore lorsqu’il affirme que le « mur de la peur sur le Hezbollah » est tombé et que les armes du Parti de Dieu « ne servent qu’à défendre le Liban » ? Ce serait oublier les menaces physiques portées à l’encontre des responsables de l’Association Human Rights Watch au point de les faire renoncer à une conférence de presse sur les « crimes de guerre à l’été 2006 » qui incriminait la milice chiite. Comment expliquer par surcroît qu’aucune institution sécuritaire, y compris l’armée, n’ose affronter les partisans du Hezbollah pour faire cesser leur occupation illégale du centre ville qui paralyse l’activité économique au cœur même de la capitale libanaise ? L’élection législative partielle du Metn d’août 2007 gagnée en trompe l’œil – le candidat du général l’a emporté mais le CPL a perdu jusqu’à 20 % de ses soutiens traditionnels – semble avoir conduit le Hezbollah à soutenir plus mollement celui dont la « véritable obsession » demeure, selon certains de ses partisans, la question de l’élection présidentielle. Son règlement par une implication coordonnée des grandes puissances, qui s’interdisent officiellement « toute ingérence étrangère », pourrait considérablement réduire les espoirs politiques de l’ancien Officier. Son grand mérite aura certes été de batailler ferme pour l’indépendance du Liban mais celle-ci risque finalement de se faire sans lui. A l’image de « l’idée » hégélienne dont le triomphe ne peut advenir qu’avec la disparition de son auteur.

Général Aoun, « Une certaine vision du Liban », Entretiens avec Frédéric Dumont, Editions Fayard, 2007, 238 p., 18 euros.
« Liban, la montée des périls », Revue Maghreb-Machrek, n° 192, été 2007, Editions Choiseul, 132 p., 20 euros

