

Interrogé sur les menaces qui concernent la France, le Président de la République a rappelé, plutôt laconiquement, que leur niveau « restait « élevé ». Il n’est pas impensable qu’à l’instar de la situation londonienne, les services français de sécurité aient pu eux aussi découvrir les plans d’une attaque imminente, voire écarter in extremis un attentat au cœur d’une grande agglomération nationale. Si tel a bien été le cas, le public n’en aura rien su. A la lumière des événements survenus à Londres, on ne peut toutefois pas manquer de se poser une question : faut-il ou non informer substantiellement la Nation des risques et menaces terroristes qui pèsent sur son quotidien à partir du moment où l’Etat sollicite sa collaboration ?
On devine rapidement les avantages et les inconvénients des deux options. Rendre accessibles des faits jusqu’alors ignorés du public possède le mérite, comme en Grande-Bretagne, de la transparence. Celle-ci ne peut que renforcer la confiance dans un pouvoir politique lui-même suffisamment serein dans l’exercice de ses responsabilités pour affronter le choc de ces révélations. Mais plusieurs raisons plaident aussi en sens inverse : le coût de cette « publicité », en terme d’efficacité, sur la conduite opérationnelle des enquêtes, le prix politique à payer en contrepartie d’un accroc au besoin humain, incompressible comme l’on sait depuis Freud, d’un « évitement du déplaisir » et, enfin, l’illusoire satisfaction d’une meilleure cohésion nationale au risque d’un ostracisme envers une partie de la population, à l’exemple de l’Amérique après le 11 septembre 2001. Sans parler, comme les spécialistes du renseignement le savent, d’une possible banalisation de la menace à force d’en marteler son inéluctabilité.
Force est, par ailleurs, de reconnaître que l’absence d’informations fait obstacle aux visées du terrorisme : le climat de panique que ce dernier cherche à diffuser se heurte aux « muettes » mais salutaires résistances des institutions démocratiques. Dans cette guerre de l’ombre qui oppose terroristes et services spécialisés, la prime demeure inégalement répartie : dans l’attentat qui réussit contre celui qui échoue, la publicité sert davantage les intérêts des premiers et récompense à peine les efforts des seconds.

